l’âge de la maturité ?


Voilà une information qui risque de filer un sacré coup de vieux à de nombreux joueurs : The Elder Scrolls, la série légendaire du studio Bethesda, fête aujourd’hui son trentième anniversaire. Une bonne occasion de se repencher cette saga exceptionnelle… et de s’interroger par rapport à la suite.

L’histoire d’Elder Scrolls a commencé en 1994, avec la sortie d’Arena sur MS-DOS. Le tout premier jeu de la série n’est pas particulièrement connu du grand public, surtout quand on le compare à ses successeurs — mais il serait injuste d’ignorer son impact. C’est avec ce premier opus que les troupes de Bethesda nous ont présenté Tamriel, cet univers qui allait devenir le théâtre d’une des plus grandes sagas de l’histoire du jeu vidéo.

Le deuxième épisode, Daggerfall, était encore plus innovant que son prédécesseur. Avec son monde ouvert incroyablement vaste pour l’époque, ses paysages variés et son contenu procédural bien dosé — un concept encore très innovant en 1996 —, il a profondément marqué le monde jusque-là très codifié des RPG.

Morrowind : Bethesda a trouvé la formule

Mais avec le recul, ces deux premiers opus n’étaient que des ébauches. Convaincus d’avoir mis le doigt sur un véritable filon vidéoludique, les développeurs de Bethesda se sont remises au travail pendant 6 ans avec un seul objectif : amener la formule à maturité avec un titre encore plus ambitieux — et force est de constater qu’ils y sont parvenus avec Morrowind, sorti en 2002. Ce jeu en a mis plein la vue au public avec ses graphismes 3D de nouvelle génération et son sens de la mise en scène remarquable. Il suffit généralement d’évoquer ce fameux mage qui tombe littéralement du ciel devant le joueur pendant les premières minutes du jeu pour déclencher un vrai tsunami de nostalgie chez les fans de la première heure.

Mais surtout, c’était le premier jeu à rassembler ce qu’on peut aujourd’hui considérer comme les piliers du game design façon Bethesda. Cela commence avec ce fameux monde ouvert, qui est passé dans une toute nouvelle dimension avec cette troisième mouture. Le monde de Vvardenfell est immense, truffé de lore riche et de quêtes intéressantes, et offre un sentiment de liberté encore jamais vu dans un jeu vidéo. Le terreau parfait pour permettre au joueur de se construire un avatar et un personnage sur mesure, et de le voir évoluer tout au long d’une aventure aussi épique qu’immersive.

Cette grande épopée a eu un tel impact sur les joueurs que la communauté a souhaité se l’approprier encore davantage. En effet, nous avons assisté à l’émergence d’une armée de moddeurs aussi hyperactifs que dévoués dont les contributions ont grandement participé à augmenter la durée de vie du jeu et la popularité de la série.

Oblivion : la confirmation

Cet immense succès commercial, critique, et même culturel a propulsé Bethesda dans la cour des grands. Terminée, l’équipe relativement méconnue qui a œuvré dans l’ombre pour produire des jeux de niche ; Todd Howard et ses troupes sont devenus des poids lourds de l’industrie du jeu vidéo qui pouvaient se permettre de viser un public beaucoup plus large. Le studio en était conscient, et a légèrement modifié sa recette originale pour produire le premier méga-blockbuster de son histoire avec Oblivion.

The Elder Scrolls 4 s’est d’abord démarqué de son prédécesseur grâce à ses graphismes remarquablement réalistes pour l’époque. Mais derrière cette couche de peinture, Bethesda a aussi produit un univers encore plus riche qu’auparavant, soutenu par une trame narrative et une foultitude de quêtes particulièrement grisantes, notamment celles qui permettent de monter en grade dans les différentes factions de Tamriel, plus passionnantes les unes que les autres. Mention spéciale à la questline de la Confrérie noire, qui reste une référence absolue en termes de narration et d’immersion aujourd’hui avec son ambiance délicieusement sinistre ses retournements de situation incroyables !

L’autre grosse contribution d’Oblivion, c’est son tout nouveau système d’IA baptisé Radiant qui a grandement contribué à rendre l’univers aussi immersif. Certes, il a plutôt mal vieilli ; mais il était tout simplement révolutionnaire à cette époque. Imaginez seulement : alors que les joueurs étaient plutôt habitués à des PNJ entièrement scriptés, Oblivion proposait des acteurs virtuels qui avaient chacun leur emploi du temps, une résidence, un emploi, une personnalité dynamique qui influait grandement sur le résultat de chaque interaction… Carrément bluffant en 2006. De nombreux studios s’en sont inspirés pour produire les mondes vivants et organiques qui sont devenus la norme dans les jeux de rôle.

Skyrim : la consécration

Mais même après ce nouveau carton, les joueurs n’étaient pas préparés à ce qui allait leur tomber sur le coin de la figure en 2011 avec Skyrim. Le cinquième opus de la série a été une véritable consécration à tous les niveaux, ou presque.

Comme toujours chez Bethesda, cela a commencé par un univers toujours plus beau et riche. Les contrées de Bordeciel sont remplies de paysages somptueux arpentés par un bestiaire varié et de points d’intérêt mémorables, truffées de détails savoureux et de personnages hauts en couleur, le tout servi avec un sens de la mise en scène assez exceptionnel. La séquence d’introduction dans la carriole des condamnés à mort, l’attaque du dragon Alduin, l’ascension de la Gorge du Monde, le paroxysme de la guerre civile qui déchire Bordeciel, l’iconique Fus Ro Dah crié à pleins poumons par l’avatar du joueur… Skyrim regorge de passages incroyablement épiques et captivants qui ont marqué le public au fer rouge.

L’aventure a aussi été sublimée par une bande-son désormais culte, qui mérite amplement sa place parmi les meilleures de l’histoire du médium. Ce n’est pas un hasard si le simple fait d’entendre un chœur entonner Dragonborn, le légendaire thème principal du jeu, suffit à donner des frissons à la quasi-totalité des joueurs, un peu comme Halo avait réussi à le faire dix ans plus tôt. En d’autres termes, Bethesda a produit plus qu’un simple jeu vidéo : Skyrim est aujourd’hui une icône de la pop culture à part entière, un statut donc peu d’autres titres peuvent s’enorgueillir.

Impossible de lister tous les points qui ont fait le succès de Skyrim, tant ils sont nombreux. Mais il y a un chiffre qui ne trompe pas : plus de dix ans après sa sortie, il y a toujours plusieurs dizaines de milliers de joueurs qui arpentent Bordeciel rien que sur Steam. Et pas seulement à cause de ses innombrables qualités intrinsèques. Grâce au Creation Kit sorti un an après le jeu, la communauté a pu s’en donner à cœur joie, et il s’agit aujourd’hui du jeu le plus moddé de l’histoire. Un point qui a largement contribué à sa longévité exceptionnelle.

The Elder Scrolls VI : sur les épaules d’un géant

Mais ce succès énorme n’est pas qu’une bénédiction pour Bethesda. En effet, les fans ont été habitués à en prendre plein les yeux à chaque nouvel épisode de la série Elder Scrolls, et son successeur sera donc particulièrement attendu au tournant. Avec Elder Scrolls VI, Todd Howard ne pourra pas se contenter de sortir un bon jeu ; il va falloir que le nouvel opus, attendu d’ici quelques années, soit un véritable chef-d’œuvre pour répondre aux attentes des fans qui rongent leur frein depuis 13 ans déjà.

Or, une partie conséquente du public doute de la capacité du studio à produire une suite aussi transcendante que Skyrim. Et ce n’est pas seulement parce que le cinquième épisode a mis la barre extrêmement haut. En effet, le monde du jeu vidéo a bien changé en l’espace d’une décennie. Le coût de développement des jeux AAA, en particulier, a explosé, et il est de plus en plus difficile de produire un jeu entièrement abouti dans des délais raisonnables.

Récemment, nous en avons fait l’amère expérience avec Starfield, le dernier jeu d’aventure spatial de Bethesda. Il ne s’agissait pas d’un échec total, très loin de là ; mais presque tous les joueurs ont admis qu’il manquait cruellement de ce petit supplément d’âme qui rendait Skyrim si exceptionnel.

Certes, une partie de ces critiques sont intimement liées à ce nouveau cadre qui n’a rien à voir avec l’univers d’Elder Scrolls, et il aurait été étonnant que Bethesda réussisse un carton plein du premier coup dans ce nouvel exercice qu’elle ne maîtrise pas aussi bien que l’heroic fantasy. Mais ce succès mitigé témoigne quand même du fait que les attentes sont désormais énormes, pour ne pas dire démesurées, à chaque nouveau jeu des troupes de Todd Howard. Et autant dire que personne n’a l’intention de revoir ses attentes à la baisse. La moindre déception risque d’être vécue comme une vraie trahison par une communauté de passionnés qui est devenue de plus en plus exigeante au fil des années — souvent à raison, mais parfois aussi à tort.

Nous vous donnons donc rendez-vous d’ici quelques années, en espérant que le studio désormais trentenaire sera arrivé à maturité et réussira à s’affranchir des défauts qui ont eu tendance à miner ses derniers jeux. Il n’en faudra pas moins pour accoucher d’une nouvelle merveille vidéoludique capable de faire honneur au pedigree de cette série adorée.

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