Yuka : l’application condamnée à payer 20 000€ au lobby de la charcuterie


Attaquée par les associations de charcutiers-traiteurs, l’application Yuka, qui permet de scanner vos aliments pour en connaître les valeurs nutritionnelles, va devoir s’acquitter d’une lourde amende.

La justice a finalement donné raison aux charcutiers. Lancée en 2017, l’application Yuka repose sur un principe simple : en scannant le code-barre d’un produit, les utilisateurs accèdent à une flopée d’informations nutritionnelles, allant du taux de sel à l’éventuelle présence d’ingrédients chimiques et de perturbateurs endocriniens. Oui mais voilà, l’idée a beau être pratique pour le consommateur, elle ne plaît pas du tout à certains lobbies agroalimentaires. Depuis le lancement de l’application, bon nombre d’industriels accusent l’application de pénaliser certains produits en leur attribuant des notes négatives. Après trois assignations en justice ces dernières semaines, la justice a finalement condamné Yuka à une lourde amende.

Les nitrites de la discorde

Si Yuka ne fait pas l’unanimité chez les industriels, l’application est notamment attaquée par les charcutiers. La FICT (Fédération française des industriels charcutiers traiteurs) accuse ainsi à la start-up de “mal noter” les nitrites présents dans la plupart de leurs produits, faisant ainsi baisser leur score final. La FICT reproche aussi à l’application d’avoir lancé une pétition “de dénigrement” en collaboration avec Foodwatch et la Ligue contre le Cancer visant à interdire les nitrites. Cette dernière était notamment accessible depuis l’application, et mise en avant à chaque fois qu’un consommateur scannait un produit concerné.

C’est quoi, des nitrites ?

Principalement présents dans la charcuterie, les nitrites sont utilisés comme additifs. Ils permettent notamment de mieux conserver la viande, d’accélérer le séchage, et d’éviter la prolifération de certaines bactéries comme celle responsable du botulisme. Leur présence assure aussi au jambon sa couleur rose, pas vraiment naturelle mais perçue comme plus appétissante. Alors qu’ils sont pointés du doigt depuis plusieurs années, on estime aujourd’hui que l’action antibactérienne des nitrites dans la viande n’a plus aucun rôle significatif (la disparition de certaines maladies serait simplement due à l’amélioration des conditions sanitaires de fabrication), et qu’au contraire, l’ingestion de cet additif favoriserait le risque de certains cancers. En janvier dernier, un rapport parlementaire évoquait officiellement le caractère “cancérigène” de la charcuterie.

Il faut dire que contrairement au discours officiel de la FICT et de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), qui estiment qu’à ce jour aucune étude fiable ne confirme la dangerosité des nitrites, l’OMS a classé dès 2010 les les nitrites et nitrates ingérés comme cancérigènes probables (catégorie 2A). En 2015, l’Organisation mondiale de la santé avait même désigné la charcuterie comme cancérigène de catégorie 1. Un constat qui met à mal les accusations de la FICT, d’autant plus que selon l’INRAE, 63% des Françaises et des Français consommeraient plus de charcuterie que les doses maximales recommandées.

Le verdict est donc tombé : pour ses “actes de dénigrement” et ses “pratiques commerciales déloyales trompeuses”, Yuka devra donc verser 20 000 € à la FICT au titre de dommages et intérêts. L’application devra aussi supprimer les mentions indiquant que l’additif serait cancérigène, et qu’il favoriserait l’apparition de maladies sanguines. Toutefois, tout n’est pas perdu pour Yuka. L’entreprise a déjà annoncé qu’elle allait faire appel, et elle a aussi obtenu raison sur un point-clé du procès : malgré les demandes de la FICT, elle n’aura pas à changer son système de notation.



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