Critique Aya et la sorcière : Ghibli perd de ses couleurs


Après avoir résisté pendant plusieurs années à la folie de l’animation 3D, le mythique studio Ghibli dévoile son premier long-métrage du genre. Réalisé par le fils du prestigieux Hayao Miyazaki, Aya et la sorcière est-il le renouveau annoncé ? Critique.

Depuis plusieurs décennies, le studio Ghibli est une référence en matière d’animation japonaise. Grâce au si caractéristique coup de crayon d’Hayao Miyazaki, il est rapidement devenu une fabrique à chefs d’œuvres oniriques et profondément engagés. Cette place si particulière dans le panorama de l’animation est sans doute à allouer au choix des créatifs de la firme de toujours privilégier les techniques d’animation plus traditionnelles plutôt que de céder à la course aux œuvres numériques que l’on observe chez ses concurrents. Une stratégie à contre-courant qui semblait jusqu’ici porter ses fruits. Alors qu’elle ne fut pas la surprise des spectateurs à l’annonce de la sortie d’Aya et la sorcière, premier long-métrage 3D de Ghibli.

Pour opérer ce point de virage vers la modernité, Ghibli s’est à nouveau tourné du côté de la bibliographie de Diana Wynne Jones, qui a inspiré le Château ambulant. Après les aventures de la jeune Sophie, Ghibli nous conte ici l’histoire d’une orpheline adoptée par deux personnages étranges : Bella Yaga et Mandrake. Dans cette effrayante demeure, elle va faire une étrange découverte, ses deux nouveaux parents ne sont autres que des sorciers. C’est alors que va commencer son apprentissage.

Aya et la sorcière Ghibli

Avec son unité de lieu, le long-métrage se déroule pratiquement intégralement en huis clos, Aya et la sorcière est loin d’être le divertissement loufoque annoncé. Si les bandes-annonces laissaient présager une aventure certes bien moins poétique qu’à l’accoutumée, mais assez drôle et décomplexée, le scénario se prend les pieds dans le tapis. Ponctué de quelques séquences intéressantes, ce nouveau film s’étire sur plus d’1 h 22 et manque cruellement de rythme. Sorte de mille-feuille scénaristique indigeste, le nouveau long-métrage de Goro Miyazaki reprend presque tous les défauts de ses précédentes réalisations et ne parvient pas à s’affranchir de son rôle de divertissement pour chérubins.

Pourtant, Ghibli avait toutes les cartes en main. Avec des thématiques comme le passage à l’enfance et la filiation, Goro Miyazaki aurait pu livrer une touchante histoire de quête de ses origines et de découverte de sa différence. Pour autant, l’insupportable Aya ne parvient pas à nous émouvoir, tout comme le reste des protagonistes.

Véritable pied de nez aux œuvres de son paternel, avec Aya et la sorcière, Goro Miyazaki tente de s’inscrire en totale opposition avec les précédentes réalisations du studio Ghibli. Un parti-pris qui pourrait s’avérer payant, s’il n’était pas affreusement ennuyeux et puéril.

Aya et la sorcière Ghibli

Une fresque londonienne décevante

Exit le Japon, cette fois-ci Ghibli nous emmène en Angleterre dans les années 70. Si ce n’est pas la première fois que le studio quitte le pays du levant, il avait déjà exploré la Riviera italienne avec Porco Rosso, force est de constater qu’avec Aya et la Sorcière ce postulat est presque caduque tant les décors sont inexistants. Visuellement, ils manquent cruellement d’envergure et cela se ressent particulièrement dans cette maison si impersonnelle. Ce manque de détails est sans doute lié à l’animation numérique aux reliefs aussi plats que l’électrocardiogramme des personnages. Fait de brics et de brocs, ce long-métrage répond aux ambitions du studio, à savoir faire un dessin animé tout juste bon à un visionnage sur le petit-écran. Rien de bien surprenant quand on sait qu’il a été pensé comme un téléfilm pour le Japon.

Car ce qui fait la renommée du studio, c’est sans conteste la diversité de ses décors et la méticulosité de ses créateurs lorsqu’il s’agit de mettre en images ces épopées oniriques à travers le Japon. La déception est grande lorsqu’on se retrouve face à cette aventure quelconque et ses personnages figés et rigides à l’écran. Le “character design” est franchement laid, et c’est suffisant pour nous donner l’envie de rebrousser chemin. On terminera sur la musique, qui est bien loin de ce à quoi nous avait habitué Ghibli. Ici, le long-métrage tente de trouver ses inspirations du côté du rock anglais, mais là encore Aya et la sorcière ne vise pas juste.

Ghibli a voulu opérer un virage vers la 3D, mais s’est lamentablement gamellé en cours de route. Si la fin du film appelle une suite, on ne saurait que trop demander au studio de s’arrêter ici. On attend donc avec impatience le retour de Miyazaki pour son prochain long-métrage : Comment vivez-vous ?



Source link Journal du Geek